
La ferme Cul de Sac – Production de fromages éthiques
Des échanges de mails, un rendez-vous téléphonique fixé et enfin ce fameux appel que j’attendais tant !
Je connais l’œuf qui ne tue pas la poule, mais je ne connaissais pas le fromage qui ne tue pas la chèvre !
Parce que le lait tue la chèvre ? Eh bien oui ! Mais attention ! Les « filles » d’Aline mènent la belle vie, et son fromage est 100% éthique !
La production classique de fromage de chèvre
Si les chèvres d’Aline sont chanceuses, toutes n’ont pas la belle vie.
Pour produire du lait, la chèvre doit avoir des petits, ce sont les naissances qui stimulent la production de lait. La durée de vie productive de la chèvre (durée entre sa 1e mise à bas et sa réforme) est en moyenne de 2.7 ans. Cette durée dépend de la race et de la production de lait.
Tant qu’une chèvre produit suffisamment de lait pour être rentable elle sera gardée dans le cheptel, si ce n’est plus le cas elle sera envoyée en réforme. Un mot bien joli pour dire abattoir dans la plupart des cas.
D’après les informations récoltées sur le site de l’institut de l’élevage Idele, une chèvre atteint sa puberté à 6-7 mois. Elle sera donc saillie par un bouc pour donner naissance, 5 mois plus tard à un petit.
Ce dernier lui sera retiré dans les jours qui viennent pour ne pas qu’il s’accapare le précieux liquide. Les chèvres étant des animaux sociaux et attachés à leurs petits, ce moment est un déchirement pour elles.
D’après le ministère de l’agriculture, si le petit est un mâle il sera vendu dans des ateliers d’engraissement puis envoyés à l’abattoir à l’âge de 6 à 8 semaines. Si c’est une femelle, elle sera gardée pour suivre les traces de sa mère et remplacera les chèvres peu productives.
La naissance du chevreau bascule la chèvre en période de lactation, celle-ci dure 9 mois. La chèvre est un animal saisonné, ce qui signifie que son cycle de reproduction est régulé par les saisons de l’année. Elle a naturellement ses chevreaux au mois de février-mars.
Chaque année ce schéma se répète et fatigue la chèvre, si sa durée de vie productive est de 2.7 ans, sa durée de vie en tant que laitière est de 4 ans. En effet à cet âge, la chèvre usée et moins productive est envoyée à l’abattoir. À titre de comparaison, la durée de vie classique d’une chèvre (non exploitée) est de 15-18 ans…

Pour résumer la vie d’une chèvre laitière :
- Jour 1 : Naissance de la nouvelle laitière
- Quelques jours après la naissance : La chevrette est enlevée à sa mère pour ne pas qu’elle boive le lait destiné à la vente.
- À 2 mois : La chevrette est sevrée (elle passe à une alimentation classique – foin et granulés)
- À 7 mois : Saillie de la chevrette – durée de gestation de 5 mois
- À 1 an : 1e mise à bas – Début de la période de lactation de 9 mois
- À 1 an et quelques jours : On lui enlève son petit. Si c’est un mâle il part à l’engraissement puis à l’abattoir à l’âge de 6/8 semaines. Si c’est une femelle elle deviendra laitière.
- Plusieurs cycles de saillie, gestation, mise à bas, enlèvement du petit, lactation, etc.
- À 4 ans : La chèvre est envoyée en réforme/à l’abattoir – Alors qu’une chèvre non laitière vit environ 15-18 ans.
La lactation longue
D’après l’institut de l’élevage idele :
« La chèvre en lactation longue est un animal qui poursuit sa lactation en l’absence de mise bas, à minima pendant 480 jours. La durée moyenne de lactation est alors proche de 700 jours. Pour certaines chèvres, la lactation peut se prolonger sur plusieurs années. »
Idele
Comme vu précédemment, la période de lactation classique d’une chèvre est de 9 mois, alors que celle de la lactation longue est de 15 à 23 mois !
Les intérêts de la lactation longue sont multiples, pour les éleveurs et pour les chèvres.
Intérêts pour la chèvre | Intérêts pour l’éleveur | |
---|---|---|
Moins de naissances | Moins de fatigue de l’organisme Évite le stress de la séparation avec le petit Moins de risques en termes de santé lors de la gestation/mise à bas. | Écrêtage du pic de naissances. Moins de problèmes concernant la gestion des acheteurs pour l’engraissement. Moins de problèmes sanitaires (gestion des mises à bas). Moins de frais de reproduction. Moins de frais vétérinaires. |
Production de lait sur une longue période | Meilleure adaptation de l’organisme. | Répartition plus régulière de la production et pas de tarissement, trésorerie lissée. Meilleur prix du lait, le lait se vendant plus cher pendant les périodes hivernales. Pas de désaisonnement du troupeau. |
Vie plus longue de la chèvre | Les chèvres veulent juste profiter de leurs congénères et brouter tranquillement, leur intérêt est de vivre. | Moins de renouvellements de troupeau, économie de temps et d’argent. |
Moins d’animaux à l’abattoir | La réforme est un moment très violent où le bien-être animal est inexistant. Plus longue est la vie de la chèvre, moins il y a de réformées et de petits envoyés à l’engraissement et mieux c’est. | S’il y a moins de naissances, que la chèvre produit plus longtemps en se fatiguant moins, cela réduit fortement le nombre d’animaux « réformés ». |
La ferme Cul de sac
Méthodes de production

À la ferme Cul de Sac, les chèvres ne sont pas très nombreuses. L’objectif est d’avoir un petit troupeau actif et bien dans ses sabots !
Grâce à plusieurs articles, Aline a découvert la lactation longue et la met en place petit à petit. Pour le moment, le système est hybride et combine lactation longue et lactation classique. Il y a donc quelques naissances chaque année et les petits mâles sont mis à l’adoption. Concernant la lactation longue :
« J’ai fait un test sur 5 chèvres, c’est moins de lait d’un coup mais plus sur la durée. De fil en aiguille je fais une partie en lactation longue et une partie en élevage classique. On fait des tests et on y va étape par étape. La lactation longue c’est des petits en mars et fin septembre, deux mois après la gestation il y a une baisse en lait (parce qu’elles se préparent pour la future lactation). Donc si on ne met pas les chèvres à la reproduction et qu’on continue à la traire elles continuent à faire du lait. »
Aline de Bast
Elle a testé sur plusieurs échantillons de chèvres :
- Deux de 2 ans qui se maintiennent bien (en termes de production de lait).
- Deux de 4 ans qui se sont maintenues mais pas autant que celles qui ont eu des petits. (Le retour des chèvres à l’herbe fait remonter la quantité de lait produit). Pas de grosses lactations mais des moyennes de 2 litres.
- Deux en fin de carrière où elle a eu peu de lait.
La lactation longue n’est pas une méthode viable pour toutes les chèvres, pour certaines ce n’est pas efficace.
Quoi qu’il en soit, dans cette ferme, aucune des chèvres ne fera de gestation tous les ans afin qu’elles se fatiguent moins.
« Je tâtonne pour trouver le meilleur compromis pour les faire vivre et que ca n’impacte pas leur santé.«
Aline de Bast
Si Aline avait peur que la lactation longue ne dégrade la qualité du lait (mammite), elle a vite pu se rendre compte que ce n’était pas le cas. Les tests réguliers qu’elle pratique obtiennent des résultats rassurants. Des chèvres heureuses qui produisent du bon fromage de qualité, voilà la méthode de production de la ferme Cul de sac.
« Il y a une confiance entre nous, elles savent qu’elles peuvent compter sur moi. C’est un rapport très fort et très important je ne veux pas perdre leur confiance. Il faut que j’assure en fromagerie avec le lait qu’elles me donnent parce que c’est leur image qui est derrière donc je dois sublimer leur lait. »
Aline de Bast

La vie à la ferme
La ferme Cul de sac à un petit goût de paradis pour les chèvres.
Si la pratique de la lactation longue et l’augmentation du temps de repos entre deux mises à bas préservent les chèvres, celles qui ont des petits ont la belle vie aussi.
Les petits restent deux mois sous leurs mères, et sont élevés par elles. Ils sont habitués aussi aux humains très jeunes ce qui ne les rend pas peureux et facilite leur adoption.
Le lait de la journée est pour les eux. La nuit ils dorment entre jeunes et au matin ils ont du lait en poudre (lait à base de céréales) pour ne pas qu’ils se jettent sur les mamelles des mères et provoquent des blessures.
Si les chèvres profitent d’une bonne alimentation grâce au verger, il faut compléter avec du foin et des granules, mais aussi des minéraux.
« C’est cher mais je veux le meilleur pour qu’elles soient bien. Elles choisissent leur poudre pour combler leur besoin. Ça coûte un bras mais ça vaut le coût de mettre le prix sur ces choses-là. Les laitières sont des athlètes de haut niveau. «
Aline de Bast
Aline n’a pas de préférée, certaines demandent des câlins, d’autres sont plus discrètes. La hiérarchie étant très importante chez les caprins, leur bienfaitrice a une attention particulière pour celles qui sont en bout de chaîne. Comme celles-ci s’alimentent un peu moins et sont un peu plus en retrait, Aline passe un peu plus de temps avec elles pour qu’elles soient plus à l’aise.
Les chèvres qui ne font plus de lait restent dans le troupeau, si les retraités sont trop fatiguées, elles partent dans une grande grange pour couler des jours heureux en sécurité. Quand elles sont en fin de vie, Aline les surveille attentivement et appelle le vétérinaire pour qu’elles partent en douceur le moment venu. Pas une seule chèvre ne part à l’abattoir, ici c’est une piqûre pour s’endormir puis une pour partir sans souffrance.

Aline & les débuts de la ferme Cul de sac
Aline c’est avant tout une passionnée d’animaux. Une femme pleine d’énergie et qui déborde d’amour pour ses « filles ». L’histoire d’amour entre Aline et les animaux ne date pas d’hier mais n’a pas été simple.
Petite, elle rêve d’un animal à la maison, mais sa maman n’y est pas favorable. Dès qu’elle rend visite à quelqu’un qui a une boule de poils, elle reste donc collée à cette dernière.
Les chèvres, elle les connaît depuis sa tendance enfance, ses grands-parents en avaient et elle adorait s’en occuper. Décidée à vivre de sa passion, elle suit une formation à distance d’auxiliaire vétérinaire. Une fois l’attestation de suivi de cours en poche elle toque à la porte des vétérinaires qui lui refusent l’entrée.
Par dépit et par nécessité de trouver un travail, elle part travailler pour la grande distribution.
À 30 ans, en faisant le point sur sa vie ses rêves et ses passions, elle décide de changer de cap. Son souhait : ouvrir un refuge. Elle creuse, et se rend compte de la difficulté que cela représente. Elle n’a ni l’argent, ni les connaissances suffisantes pour concrétiser son rêve.
Elle n’abandonne pas l’idée de travailler avec les animaux pour autant et se souvient des chèvres de ses grands-parents.
« J’adore le fromage de chèvre, et j’adore les chèvres, mais je n’avais pas conscience de ce que c’était au début, je ne pensais pas que je m’y attacherais autant. Je ne me voyais pas faire des vaches. Les chèvres c’est un peu différent de l’agriculture classique, c’était parfait. Un animal à ma portée et des productions à échelle humaine.
De là j’ai regardé les démarches, j’ai quitté mon travail et c’était parti. Cet amour des animaux a toujours été en moi et est revenu sans le vouloir, c’était un vrai besoin. Il fallait que j’aille au bout.
À travers mes études en élevage de chèvres et production de lait, j’ai dû créer un parcours tout tracé pour me faire accepter des banques. Cela voulait dire que je devais prendre en compte les ventes de produits laitiers mais aussi les débouchés pour les chevreaux. J’ai dû chiffrer leur viande, je me suis créé une carapace. J’ai même été démarchée par des boucheries. J’avais prévu de garder les chèvres retraités mais les petits devaient partir pour la viande, c’était le plan. Mais la première année ou les petits sont nés, on s’est dit que ce n’était pas possible. Ce n’est pas dans ma nature.
Plus les années passent et pire c’est, j’ai un lien trop fort avec les filles. Dans leurs petits on les voit. On les reconnaît dans la voix, les attitudes. On trouve des méthodes pour être en accord avec notre démarche et aller jusqu’au bout, sinon on aurait arrêté depuis longtemps. »
Aline de Bast
Une première formation de BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole) lui ouvre les portes du monde agricole et lui offre de nombreuses connaissances concernant les techniques d’élevage et l’entretien des bêtes. Elle complète celle-ci avec une formation dans la fabrication de fromages. Elle veut acquérir toutes les compétences nécessaires pour prendre soin de ses animaux et valoriser au mieux leur lait.
Fin 2014, après de nombreuses démarches, l’aventure commence avec son premier troupeau de chèvres.
Si le plan initial était d’envoyer les chevreaux à l’abattoir parce que « c’est ce qui se fait dans la filière », Aline et son mari (très impliqué aussi dans le bien-être animal), n’ont pu s’y résoudre.
Ils ont donc trouvé des solutions alternatives pour éviter ce destin aux petits.
La première année ils ont gardé des femelles pour renouveler le troupeau de laitières et ont fait des démarches pour trouver des associations (ferme des rescapée et des maux des mains) pour faire adopter les chevreaux. Ils ont loué un camion et ils ont traversé la France pour amener les petits.
« On était trop content de les avoir sauvés. »
Aline et son mari
La deuxième année, un éleveur de volailles avec qui ils ont sympathisé leur réserve 14 chèvres pleines pour se lancer dans la production de lait.
Les mois passent et aucunes nouvelles de cet homme, les petits naissent et Aline se retrouve avec 54 chèvres et beaucoup de petits dans un bâtiment ne pouvant en contenir que 30. Malgré de nombreuses tentatives de placement, Aline désemparée dû opter pour une solution qu’elle ne souhaitait pas :
« Sanitairement cela devenait dangereux, la seule solution c’était le centre d’engraissement malheureusement, je ne connaissais pas. Je charge les petits pour les emmener, mon père m’a accompagné parce que je n’étais pas capable. À l’arrivée j’ai fondu en larme. Ils les mettent à 7 dans des cages, ça m’a marqué à vie. Je n’oublierais jamais. J’ai laissé les petits là-bas, j’en ai sauvé le plus possible. En revenant j’ai retrouvé ma maman au bâtiment, elle pleurait, on pleurait tous.
Les filles nous consolaient, elles ne nous en voulaient même pas, elles avaient compris. J’ai dit plus jamais ça. Il m’a rappelé très longtemps après et m’a demandé les chèvres. Il a trahi les filles, il m’a obligé à faire quelque chose d’horrible, si je l’avais vu je lui aurais mis ma main dans le visage.
Je me suis installée avec 20 chevrettes et j’ai fait venir 17 autres qui venaient d’un élevage intensif, pour les sauver de l’abattoir. On voyait qu’elles étaient surmenées. Elles ont fait le début avec nous puis je les ai mises à la retraite. On en a perdu plusieurs trop fatiguées. On en a placé quelques-unes (éco-paturage Dijon), elles sont bien placées mais aujourd’hui c’est devenu ma famille je ne pourrais plus les placer ailleurs.«
Aline de Bast
Aline a 51 chèvres adultes, toutes sont des individus à part avec chacune leurs personnalités et leurs habitudes.
« Je veux rester à petite échelle pour continuer à me rendre compte de tout ça et en profiter. Depuis peu je baisse mon troupeau et j’adapte mes méthodes et chaque année je fais de mon mieux.«
Aline de Bast
Pour l’instant, financièrement, Aline ne s’y retrouve pas. Toujours au RSA et sans beaucoup de rentrées d’argent le métier est très difficile.
Elle donne tout pour ses chèvres, les journées commencent à 8h30 et ne se terminent pas avant 23h-00h. Si ce mode de vie est épuisant, elle peut compter sur l’aide inconditionnelle de sa mère et de son conjoint pour la soutenir.
« C’est un sacrifice et à la fois non, peu de gens seraient capables de donner tout ça sans gagner d’argent derrière. Grâce à la lactation longue on a un peu de revenus en période hivernale, mais sinon on peut arriver à -15000€ à la sortie de l’hiver et on ne paye pas les factures avant le mois d’août. Ça fait très peur d’être en négatif, ce n’est pas agréable.
J’aimerais réussir à y arriver, je ne demande pas un salaire de 1000€, juste que les filles ne manquent de rien et que je puisse faire les courses de la semaine. J’aimerais un peu plus de temps pour moi. J’ai plein de questions concernant la viabilité du système, on cherche des solutions et quand on aura tout trouvé on sera plus en mode automatique. »
Aline de Bast
La difficulté du travail d’éleveur/agriculteur n’est pas méconnue des français et si Aline à la chance de ne pas être seule face à cela, le stress des fins de mois et l’inconfort financier ne sont pas faciles à gérer.
D’où l’importance d’une juste rémunération et de la reconnaissance du travail de ceux qui nous nourrissent.
S’ajoute à cela le fait que la population rurale, habituée à l’élevage, ne voit pas forcément d’un très bon œil le fait de garder des animaux improductifs. La ferme Cul de sac a donc longtemps gardé caché, le fait qu’elle n’envoie ni les chevreaux ni les retraités à l’abattoir.
« Au début on ne disait pas qu’on gardait des petits parce que les gens trouvaient que c’était bizarre. Donc on mentait aux gens du village. On cachait la vérité parce que ce n’était pas normal. Les gens nous prenaient pour des fous sinon. Rien que d’avoir des retraités, on me disait de les envoyer à l’abattoir. Mes retraités méritent leurs retraites.«
Aline de Bast
Avec le confinement, ils n’ont plus su où trouver des adoptants pour les chevreaux. Les associations n’étant pas fan du côté élevage, ils étaient sans solutions. Ils ont donc fait appel à l’association Stéphane Lamart. Les appels à l’adoption ont trouvé preneurs mais ils étaient vus au grand jour dans le village, et ils s’en fichent !
Aline apprend un peu plus chaque jour et fait passer le bonheur de ses chèvres avant tout. Elle est passée de l’idée d’une ferme à lait classique à une ferme à lait éthique qui n’envoie ni ses chevreaux ni ses retraités à l’abattoir, qui produit en quantité raisonnée et se met même à la lactation longue.
Le portrait d’une femme forte et amoureuse des animaux qui souhaite redonner ses lettres de noblesse aux chèvres !

Portrait de chèvre
Si changer de mode de production n’a pas été facile, Aline a rencontré une autre difficulté : le mépris envers les chèvres.
« De manière générale il y a un mépris pour les animaux d’élevage. Les chèvres n’ont pas de valeurs économiques donc on ne fait pas de recherches. Si elles sont malades on ne sait pas comment bien les traiter.
Économiquement elles n’ont peut-être pas de valeurs, mais sentimentalement elles en ont énormément. Au bout de 7 ans mes vétérinaires se rendent compte de ma démarche et traitent de mieux en mieux mes chèvres. Quand il y a un problème sur les filles je fais des recherches et j’arrive mieux à communiquer avec eux.
La chèvre a très mauvaise réputation, je ne comprends pas. C’est têtu, ça fit des bêtises mais c’est extrêmement intelligent, elles savent ouvrir les portes, elles ont une superbe mémoire, c’est un animal à part. Un caractère bien trempé aussi. Elles sont toutes différentes ! »
Quand on demande à Aline des anecdotes sur ces chèvres, on ne peut plus l’arrêter ! Elle connaît ses animaux par cœur et nous livre avec bienveillance une de ses belles histoires :
« Mon coup de cœur c’est mon petit Balin, 2 ans et demi. Quand il est né, sa maman n’arrivait pas à mettre bas, je ne suis jamais loin et je l’ai aidé. Je mets la main je cherche, je regarde, je sens une poche avec des petits bouts d’os. C’était un tout petit, une miniature, même pas 15cm de long. Il était vivant, j’avais peur qu’il ne soit pas viable car pas assez formé, puis une deuxième petite fille sort et enfin un gros pépère.
Ce petit bout je l’ai aidé tout le temps, mais il était tout le temps tout rond. Il a survécu. Je l’avais tout le temps au bras. Un jour alors que j’avais fini le travail, je charge le lait dans le Kangoo. Je démarre ma voiture, j’avance et j’entends piailler ! Il y avait un petit sous la roue !
Je pleurais de l’avoir écrasé. Je regarde et il avait juste la pâte arrière cassée, une chance dans son malheur. Je l’ai plâtré tout de suite et je l’ai ramené à la maison pendant 15 jours, puis je l’ai ramené vers sa mère et il allait bien mieux. J’ai toujours laissé ce petit avec sa maman jusqu’à l’an dernier où elle était trop fatiguée et qu’elle est partie. J’ai eu peur pour lui mais il allait bien, aujourd’hui il est avec un bon groupe de petit, il a mauvais caractère parce qu’il a été gâté.
J’ai un lien indescriptible avec lui, il ne faudrait pas qu’il lui arrive quelque chose. Il est pas hyper bien formé et il ne durera pas 15 ans mais je ne veux pas parler du jour où il ne sera plus.«
Aline de Bast
La commercialisation du fromage
Si les œufs Poulehouse se vendent à 1€ l’unité, Aline a du mal à valoriser la spécificité de son mode de production sans abattage.
« J’aimerais valoriser la lactation longue, et augmenter un peu les prix. Avec tout ce qui se passe aujourd’hui et le développement que ça va prendre j’ai plein de demandes de personnes qui veulent un fromage qui leur correspond, mais ma clientèle actuelle n’est pas sensible à ça. Souvent les clients locaux se fichent du bien-être et ne comprennent pas. Pour eux c’est plus un objet qu’un animal, ils ne veulent pas prendre conscience de cela. Ce sont les urbains qui demandent mes produits mais ils ne sont pas à côté. »
Aline de Bast
Grâce aux différents articles de presse, des personnes de grandes villes ont contacté Aline pour pouvoir consommer du fromage éthique.
Sa volonté étant de proposer un produit de qualité, elle s’est renseignée sur les systèmes de livraison pour respecter la chaîne du froid et la traçabilité. Elle a trouvé une solution via Chronofresh qui lui permet de livrer les professionnels et particuliers en réfrigéré et à domicile. Cependant le tarif est élevé et ne lui permet pas de se lancer en livraison pour le moment : 26€ de frais de port pour un colis d’1kg.
Le futur de la ferme Cul de sac
Toujours à l’affût de nouvelles opportunités, Aline à plein de projets :
- Des éco-paturages à proximité des autoroutes, 30 chèvres y sont dédiées l’année prochaine.
- Développer sa communication sur les réseaux sociaux et via la création d’un nouveau site web
- Augmenter les ventes de fromages grâce aux livraisons.
Si vous voulez aider la ferme Cul de sac vous pouvez acheter leurs fromages dans un point de vente ici, Aline aimerait aussi plus de jeux pour ses chèvres et des aménagements spécifiques pour les petites handicapées. Si vous avez envie de donner un coup de main, n’hésitez pas à la contacter !
J’espère que cette interview vous a plu et vous a fait découvrir un mode de production plus respectueux du vivant. Je voulais encore remercier du fond du cœur Aline. Une femme extrêmement inspirante qui par ses actes et sa détermination fait avancer la cause animale et permet de consommer de manière éthique et responsable.